La loi exige que le travailleur soit dans l’impossibilité d’exécuter le travail convenu, explique Camille Reyntens, avocate chez Claeys & Engels. Il s’agit là d’un critère très sévère. Bien souvent, la maladie rendra le travailleur moins efficace, sans pour autant qu’il soit dans l’impossibilité d’exécuter le travailleur convenu. Il existe régulièrement des discussions quant au fait de savoir si le travailleur en incapacité de travail peut exercer d’autres activités. L’employeur y voit la preuve que le travailleur est effectivement apte à exercer ses fonctions et refuse alors de verser le salaire garanti ou prend la décision de licencier le travailleur pour motif grave. Les juridictions du travail sont assez nuancées quant à cette question. Ainsi, la Cour du travail de Liège a déjà confirmé le licenciement pour motif grave d’un gestionnaire d’une maison de repos qui exerçait, lors de son absence pour incapacité de travail, des fonctions de kinésithérapeute.
Selon elle, l’exercice des fonctions de kinésithérapeute démontrait que la maladie n’était pas réelle ou à tout le moins qu’elle n’empêchait pas l’exécution du contrat de travail. La même Cour du travail est toutefois parvenue à la conclusion opposée dans le cas d’une employée qui s’était portée malade pour cause de dépression et qui, lors de son incapacité de travail, avait exercé une activité d’aide-ménagère. Selon la Cour, l’exercice d’activités principalement physiques ne démontrait pas que la travailleuse était aussi apte à exercer des fonctions d’ordre intellectuel en tant qu’employée et ne justifiait donc une rupture pour faute grave.
Exceptionnellement, les juridictions du travail considèrent que l’exercice d’activités déterminées est injustifié car il est de nature à ralentir le rétablissement du travailleur. Ainsi, la Cour du travail de Gand a autorisé le licenciement pour motif grave d’un travailleur protégé qui était en incapacité de travail suite à un mal de dos et avait, durant son absence, participé à un match de football. Selon la Cour, l’activité sportive intensive s’opposait aux prescriptions du médecin et était de nature à ralentir le rétablissement, voire à le rendre impossible.
Certificat médical
Le travailleur qui est en incapacité de travail doit immédiatement en avertir son employeur. La loi ne prévoit pas les modalités de cette communication. Ceci doit donc être explicité dans le règlement de travail et, de préférence, le plus concrètement possible. Depuis le début de cette année, le non-respect de cette obligation est sanctionné expressément. Le travailleur qui omet de prévenir son employeur n’a pas droit au salaire garanti.
La loi n’exige toutefois pas que le travailleur justifie son incapacité de travail au moyen d’un certificat médical. L’employeur qui souhaite obtenir un tel document peut le prévoir dans une convention collective de travail ou dans le règlement de travail. Par ailleurs, même si l’employeur n’a pas prévu cette obligation, il peut toujours demander au travailleur de lui remettre un certificat.
Le certificat médical mentionne l’incapacité de travail, la durée probable de celle-ci ainsi que si les déplacements sont ou non autorisés en vue d’un contrôle. L’employeur n’a, par contre, pas le droit de connaître les causes de l’incapacité de travail. Vu le droit au respect de la vie privée, ceci est compréhensible. Toutefois, au vu de la jurisprudence susmentionnée en matière d’exercice d’activités durant l’incapacité de travail, cela peut s’avérer particulièrement délicat. En effet, si l’employeur ne connaît pas les raisons de l’incapacité de travail, il peut difficilement savoir si l’exercice d’une activité est de nature à empêcher le rétablissement.
La possibilité de contrôle
L’employeur qui doute de la réalité de l’incapacité de travail de son travailleur peut lui imposer de se soumettre à un examen par le médecin-contrôleur. Ce contrôle peut avoir lieu tant durant la période couverte par le salaire garanti qu’ultérieurement. Depuis cette année, une convention collective de travail ou le règlement de travail peut imposer au travailleur de se tenir à disposition pour une visite du médecin pendant une période de 4 heures située entre 7 et 20 heures. Lors des discussions afférentes à cette modification légale, le Conseil d’Etat a exprimé un certain nombre de critiques.
Ainsi, le Conseil d’Etat faisait part de ses doutes quant au fait de savoir si cette obligation qui constitue une entrave au droit à la vie privée du travailleur était proportionnelle par rapport à l’objectif poursuivi. Il n’est donc pas exclu que les travailleurs développent les mêmes arguments lorsqu’un employeur souhaite les sanctionner pour non-respect de l’obligation de disponibilité. L’employeur pourrait toutefois anticiper ces contestations, en limitant l’obligation de disponibilité par exemple à la seule période couverte par le salaire garanti. Il ne semble en effet pas nécessaire de contraindre un travailleur qui est en maladie de longue durée, à rester tous les jours 4 heures à la maison.
Le médecin-contrôleur vérifie si le travailleur est effectivement en incapacité de travail ainsi que la durée probable de celle-ci. L’ensemble des autres constatations sont couvertes par son secret professionnel. Si le travailleur conteste le diagnostic du médecin-contrôleur, il peut entamer une procédure d’arbitrage.
Retour au travail
Le travailleur qui, après la période couverte par le certificat médical, retourne travailler, ne peut être contraint de démontrer qu’il est effectivement apte à reprendre ses activités. La jurisprudence accepte que l’employeur puisse, par contre, contraindre ce travailleur à être examiné par le médecin-contrôleur avant la reprise du travail.
Régulièrement, les travailleurs demandent de pouvoir reprendre le travail à temps partiel. Il peut s’agir d’un bon moyen de reprendre le travail en douceur. Cependant, une telle reprise n’est pas toujours facile à mettre en place et l’employeur n’est pas obligé de l’accepter. S’il le fait, il devra être attentif à convenir par écrit avec le travailleur des modalités de cette reprise, en ce compris la durée de celle-ci. Le travailleur qui reprend son travail à temps partiel conserve son contrat de travail d’origine, mais une partie de celui-ci est suspendue, de telle sorte qu’en cas de licenciement, il conserve son droit à une indemnité compensatoire de préavis calculée sur la base d’une rémunération de référence à temps plein.
Rupture du contrat
Aucune disposition légale n’interdit de licencier le travailleur durant une période d’absence pour cause de maladie ou d’accident. Toutefois, si l’employeur rompt le contrat moyennant un préavis à prester, le préavis ne prendra cours qu’au terme de l’incapacité de travail (c’est-à-dire lorsque le travailleur est apte à reprendre ses fonctions).
En outre, il conviendra d’être attentif aux dispositions en matière de discrimination en vertu desquelles l’employeur ne peut faire de distinction entre les travailleurs sur la base de leur état de santé actuel ou futur, à moins que cette différence de traitement ne soit objectivement justifiée par un but légitime. Or, le licenciement d’un travailleur dû à son incapacité de travail est difficilement justifiable. Jusqu’à l’année dernière, la loi sur les contrats de travail prévoyait expressément la possibilité de mettre un terme au contrat de travail après une période d’incapacité de travail de 6 mois, moyennant paiement d’une indemnité de rupture. Pour les employés, le salaire garanti déjà versé pouvait en outre être déduit de l’indemnité. Ces dispositions ont longtemps été considérées comme étant une justification légale au licenciement d’un travailleur durant une période d’incapacité de travail. Dès lors que cette disposition a été abrogée, un tel argument n’est plus possible. L’employeur devra donc justifier le licenciement par d’autres raisons, notamment opérationnelles.
Et dans le futur?
L’accord du gouvernement Michel I contient un chapitre concernant la réinsertion des personnes qui ont été en incapacité de travail. Pour l’employeur, la mesure phare en la matière consiste à faire passer à deux mois la période couverte par le salaire garanti. Vu que l’employeur ne dispose pas de la possibilité de contraindre le travailleur à accepter une autre fonction, il est à craindre que l’augmentation de la période de salaire garanti ne soit qu’une mesure budgétaire qui, dans la pratique, n’encouragera pas la reprise du travail mais pourrait même la freiner. Après des contestations importantes, le gouvernement a pris la décision de reporter cette nouvelle mesure à 2016. Rien n’est donc certain et il conviendra de suivre attentivement les évolutions à cet égard.