Lorsqu’un contrat de travail prend fin, l’affiliation du travailleur concerné au plan de pension complémentaire auprès de son employeur prend, dans la plupart des cas, également fin. S’il est question d’une indemnité compensatoire de préavis, celle-ci se calcule sur base de la rémunération en cours et des avantages acquis en vertu du contrat de travail, conformément à l’article 39 de la loi sur les contrats de travail. Or, la jurisprudence a reconnu que les contributions patronales à un plan de pension constituent des avantages acquis. Dès lors, qu’advient-il des contributions patronales pour la période couverte par l’indemnité compensatoire de préavis? Ces contributions patronales doivent-elles être prises en compte dans le calcul de l’indemnité, ou l’employeur peut-il en tenir compte dans le cadre du plan de pension?
La jurisprudence a établi que l’article 39 de la loi sur les contrats de travail est une disposition légale impérative à laquelle il ne peut pas être dérogé avant la fin du contrat de travail. A contrario, il peut donc y être dérogé par après. Par conséquent, les contributions patronales doivent en principe être prises en compte dans le calcul de l’indemnité compensatoire de préavis, mais il peut être convenu autrement. Ainsi, en ce qui concerne un plan de type contributions définies (un plan « DC »), il est possible de prévoir que l’employeur verse les contributions dues pendant la période couverte par l’indemnité compensatoire de préavis dans le plan de pension. Dans le cadre d’un plan de type prestations définies (un plan « DB »), il peut être prévu que la période de service reconnu soit prolongée pour tenir compte de la période couverte par l’indemnité compensatoire de préavis. Tout cela doit évidemment être prévu dans le règlement de pension et se retrouve limité par certaines conditions qui se précisent au fil de la jurisprudence.
Il arrive que les employeurs soient contraints à un double paiement des contributions patronales puisqu’après les avoir versées une première fois dans le plan de pension, ils soient en plus condamnés à les inclure dans l’indemnité due. Ce fut notamment le cas dans le jugement du Tribunal du travail de Louvain du 29 juin 2017 (17/135/A). Dans ce jugement, le Tribunal développa de nouveaux éléments pour déterminer les limites de cette possibilité de dérogation.
Les faits et les arguments des parties
En février 2015, il fut mis fin avec effet immédiat au contrat de travail d’un employé. Dans ce contexte, l’employeur versa une certaine indemnité compensatoire de préavis dont l’employé contesta non pas sa durée, mais son montant. Ce dernier défendait en effet que les contributions patronales de son plan de pension devaient être prises en compte dans la base de calcul de l’indemnité.
L’employeur, au contraire, se référait premièrement au règlement de pension qui prévoyait que la période couverte par l’indemnité compensatoire de préavis soit prise en compte pour déterminer les droits de l’employé selon le plan de pension. Deuxièmement, il invoqua un arrêt du 21 janvier 2014 dans lequel la Cour du Travail de Bruxelles a prononcé que les contributions patronales ne pouvaient pas être intégrées dans l’assiette de l’indemnité de préavis puisqu’elles avaient déjà été versées dans le plan de pension pour la période couverte par l’indemnité, faisant autrement double emploi. Néanmoins, cet arrêt n’était pas pertinent puisque les contributions patronales avaient été payées avec l’accord du travailleur, contrairement à l’affaire in casu. En effet, et troisièmement, l’employeur défendait que l’employé n’avait pas directement exprimé son désaccord à prendre en compte la période couverte par l’indemnité de rupture dans le cadre du plan de pension.
Décision du Tribunal
Le Tribunal a jugé que les contributions patronales devaient être prises en considération dans le calcul de l’indemnité compensatoire de préavis, et ce pour les raisons suivantes:
- Le Tribunal a constaté que l’employeur n’avait posé aucune question à cet égard à son employé, prenant ainsi une décision à sa place.
- Il s’est référé à un jugement du 14 octobre 2013 dans lequel le Tribunal du travail de Bruxelles avait précisé que le versement des contributions patronales pour la période couverte par l’indemnité compensatoire de préavis, tel que prévu dans le règlement de pension, n’empêchait pas que les contributions patronales fassent partie de l’indemnité compensatoire de préavis.
- Pour finir, le Tribunal a établi que l’employeur n’avait pas démontré que le travailleur avait donné son accord pour que la période couverte par l’indemnité compensatoire de préavis soit prise en compte dans le cadre du plan de pension.
Par ailleurs, il revient de noter que le Tribunal ne s’est pas prononcé sur l’importance du caractère immédiat ou non de la réaction du travailleur.
En conclusion: il faut demander au travailleur
Il faut retenir de ce jugement que l’employeur qui souhaite tenir compte de la période couverte par l’indemnité compensatoire de préavis dans le cadre d’un plan de pension sans risquer une condamnation à un double paiement, devra faire attention à pouvoir démontrer l’accord de son travailleur à cet égard et ne pas prendre de décision à sa place.
Pour se faire, il suffira qu’il demande l’accord de son travailleur, dans un courrier par exemple. Dans un récent jugement du 16 octobre 2017, le Tribunal du travail de Gand a par ailleurs précisé que l’absence de réaction du travailleur à une telle lettre revient à supposer que ce dernier donne son accord. Ainsi, s’il est nécessaire de poser la question, il ne semble néanmoins pas nécessaire d’obtenir un oui explicite.
Éléonore Gilliot
Claeys & Engels