Guillaume Boreux, Avocat, Claeys & Engels
Dans un arrêt du 2 août 2022, la Cour du travail de Liège a statué sur la validité d’une transaction conclue après qu’un employeur ait découvert des photos et vidéos incriminantes sur l’ordinateur professionnel d’une de ses travailleuses. L’employeur avait utilisé l’existence de ces éléments pour mettre la travailleuse face à un dilemme : soit accepter la transaction, soit être licenciée pour motif grave. Celle-ci a d’abord accepté l’offre avant de se rétracter en invoquant un vice de consentement et de réclamer diverses indemnités. La Cour du travail lui a néanmoins donné tort.
Le litige concernait une travailleuse employée au sein d’une ASBL. Durant un jour d’absence de la travailleuse, le directeur de l’association a découvert sur l’ordinateur professionnel de celle-ci des photos et vidéos à caractère pornographique, qu’elle avait consultées durant son temps de travail. Le jour même, le directeur de l’ASBL s’en est ouvert à la travailleuse, et lui a proposé un dilemme : soit rompre le contrat de travail de commun accord, soit être licenciée pour motif grave.
La travailleuse a, dans un premier temps, accepté de mettre fin au contrat de commun accord. Une semaine plus tard, elle a ensuite soutenu que la transaction avait été conclue sous la contrainte. Elle a ainsi réclamé devant le Tribunal du travail de Liège, division Verviers que la convention soit frappée de nullité et que l’employeur soit condamné au paiement de l’indemnité compensatoire de préavis, ainsi qu’une indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable. Le Tribunal a cependant débouté la travailleuse. La travailleuse a alors interjeté appel de cette décision devant la Cour du travail de Liège, qui a rendu l’arrêt faisant l’objet de la présente contribution.
En appel, la travailleuse a avancé que son consentement avait été obtenu sous la violence morale. Selon elle, l’employeur a en effet eu recours à la menace afin qu’elle consente à la rupture de commun accord.
La Cour a d’abord énuméré les conditions de la violence morale. Celle-ci est caractérisée par une crainte d’un mal considérable et présent, de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qui est déterminante de son consentement. En l’espèce, la Cour a considéré que ces conditions étaient remplies et que l’employeur avait bel et bien eu recours à une forme de violence sur la travailleuse.
La Cour a ensuite rappelé que, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, la violence morale ne vicie le consentement que pour autant que la menace à laquelle il a été recouru était injuste ou illégale. Proposer un marché à un travailleur en le menaçant d’un licenciement pour faute grave ne vicie donc le consentement que si les faits sur lesquels repose la menace sont faux, manifestement infondés ou anodins et/ou si l’employeur ne pouvait raisonnablement penser qu’ils pouvaient fonder un motif grave. La Cour a également précisé que, lorsqu’elle statue sur le caractère légitime de la menace, l’appréciation de l’existence ou non d’un motif grave doit se limiter à un contrôle marginal.
En l’espèce, la Cour a considéré que les faits reprochés n’étaient pas contestés par la travailleuse concernée et qu’ils revêtaient une gravité suffisante. En outre, l’ASBL étant active dans le domaine de l’aide aux personnes, et ayant des valeurs peu compatibles avec la détention de films pornographiques, la Cour a considéré qu’il était raisonnable, pour l’employeur, de penser qu’il avait le pouvoir de procéder à un licenciement pour motif grave. La Cour considère dès lors qu’avoir mis la travailleuse concernée face à un dilemme ne relevait dès lors pas d’une menace illégitime.
En conséquence, l’enseignement à retenir de cet arrêt de la Cour du travail de Liège est que, lorsqu’un employeur propose à un travailleur de rompre le contrat de travail de commun accord ou d’être licencié pour motif grave, le consentement du travailleur ne sera vicié pour violence morale que dans des circonstances particulières et à condition d’être invoquée à bref délai. Ainsi, ce ne sera le cas que si l’employeur soulève un motif de licenciement qui ne peut raisonnablement pas être considéré comme un motif grave, ou dans le cas où ce motif est faux ou anodin.
Guillaume Boreux
Avocat
Claeys & Engels