Les faits
Un travailleur était au service d’une entreprise d’assurance. Il était également administrateur et membre du comité de direction de cette entreprise.
Le 23 mai 2018 une prime de pension complémentaire unique a été octroyée à tous les membres du comité de direction de l’entreprise d’assurance. Cette prime trouvait sa source dans un règlement de pension complémentaire déclaré applicable à tous les membres du comité de direction de l’entreprise d’assurance.
Le 18 février 2020, la Banque Nationale de Belgique prend contact avec l’entreprise d’assurance, lui faisant notamment part de l’irrégularité du versement de la prime unique de pension complémentaire intervenu le 23 mai 2018. La Banque considère, en effet, qu’il s’agit là d’un « mécanisme de rémunération visant à contourner l’application du Décret de la Région Wallonne du 28 mars 2018 dit « Décret Gouvernance ».
L’entreprise d’assurance prend alors contact avec l’ensemble des membres du comité de direction afin d’obtenir soit qu’ils renoncent à toute prétention tirée du règlement de pension complémentaire concerné, soit qu’ils remboursent le montant de la prime unique déjà versée.
Le travailleur concerné refuse de procéder au remboursement et l’entreprise d’assurance introduit alors une citation à son encontre.
Quant au caractère irrégulier du versement de la prime unique
Des faits de l’espèce, le Tribunal constate que la décision de procéder au versement de la prime unique a été prise par un comité ad hoc (sans pouvoir de décision) et que cette décision n’est pas conforme à ce qui avait été discuté au sein du conseil d’administration de l’entreprise d’assurance.
Pour le Tribunal, il s’agit donc d’un paiement indu (sans cause).
Quant à l’opposabilité de l’irrégularité du versement au travailleur
Le Tribunal constate ensuite qu’au vu des faits de l’espèce – et de sa qualité d’administrateur membre du comité de direction – le travailleur savait ou devait savoir que la décision de verser la prime unique n’avait pas été validée par le conseil d’administration. Ainsi, le travailleur n’est pas un tiers de bonne foi et l’irrégularité du versement de la prime unique – qui génère donc son caractère indu – peut donc lui être opposée (théorie de la tierce complicité).
Conclusion
Le Tribunal condamne donc le travailleur au remboursement du montant de la prime unique de pension complémentaire versée. Il convient de relever, ici, le caractère exceptionnel de cette décision au regard du principe de non-remboursement des réserves à l’employeur, tel qu’applicable en matière de pensions complémentaires.
Ainsi, lorsqu’il est question d’apprécier les conséquences de l’irrégularité d’une décision de l’organe de gestion d’une entreprise, il convient de distinguer le pouvoir de décision (est-ce que la décision a été valablement prise ?) et le pouvoir de représentation (est-ce que l’entreprise a pu être valablement engagée vis-à-vis des tiers ?). Il convient également d’avoir à l’esprit que les tiers de mauvaise foi peuvent se voir opposer la théorie de la tierce complicité.
Source : T. trav. Liège (div. Liège), 26 novembre 2021, R.G. 20/2788/A.
Caroline Huart
Avocat Claeys & Engels