Une infirmière occupée au sein d’une maison de repos se trouve en incapacité de travail. Elle a remis à cet effet plusieurs certificats médicaux émanant de son médecin traitant confirmant cette incapacité et préconisant une reprise à court terme dans un travail adapté nécessitant moins d’efforts physiques. Son employeur apprend que, pendant sa période d’absence pour incapacité, la travailleuse effectue des prestations similaires auprès d’une institution hospitalière. Il rompt par conséquent le contrat de travail pour motif grave. L’infirmière conteste ce licenciement pour motif grave devant le tribunal du travail de Bruxelles.
L’infirmière était au service de l’employeur depuis un peu plus d’une année (à temps partiel) lorsqu’elle tombe en incapacité de travail. Son incapacité est justifiée à l’appui de plusieurs certificats émanant de son médecin traitant. Le dernier certificat remis par la travailleuse fait par ailleurs mention de la nécessité d’une reprise, au terme de la période d’incapacité, dans un travail adapté (sans charge pour le dos et sans toilettes de patients). Pendant la période d’incapacité de la travailleuse, il revient à l’employeur que cette dernière exercerait des fonctions d’infirmière auprès d’une institution hospitalière. Après avoir vérifié, par voie d’huissier, la réalité des rumeurs circulant à ce propos, l’employeur rompt le contrat de travail de l’infirmière pour motif grave.
Rupture de confiance
Dans le cadre de sa contestation en justice, la travailleuse invoquera tout d’abord le fait que son licenciement serait irrégulier car tardif. Un employeur est en effet légalement tenu de notifier la rupture du contrat pour motif grave dans les trois jours ouvrables de la connaissance suffisante des faits. La travailleuse estimait en l’espèce que si l’employeur avait pu, à une date précise, dépêcher un huissier auprès de son autre employeur, c’est parce qu’il disposait déjà antérieurement d’une information suffisamment précise quant aux faits reprochés. Le tribunal du travail ne va pas suivre cette argumentation, confirmant le principe selon lequel le délai légal de trois ouvrables ne commence à courir que lorsque la personne investie du pouvoir de donner congé dispose d’une connaissance suffisante des faits. En l’espèce, le tribunal estime que ce moment ne se situait qu’au jour de la prise de connaissance, par l’employeur, du procès-verbal de constat dressé par l’huissier.
Le tribunal va ensuite considérer que le licenciement pour motif grave est également fondé. Le tribunal rappelle à cet effet que l’incapacité de travail doit, au sens de l’article 31, § 1er de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, être appréciée au regard des tâches convenues. Elle n’est donc pas incompatible avec l’exercice de toute activité. Dans la mesure où il était établi que les fonctions exercées par la travailleuse, pendant sa période d’incapacité déclarée, en qualité d’infirmière auprès d’une autre institution hospitalière étaient au moins partiellement similaires à celles exercées auprès du premier employeur, le tribunal a estimé que les faits reprochés étaient de nature à rompre définitivement la confiance nécessaire à la poursuite des relations de travail. Le tribunal a, à cet égard, également été sensible aux circonstances factuelles qui suggéraient notamment une corrélation entre l’incapacité déclarée et le refus par la travailleuse d’effectuer certaines missions faisant pourtant partie de ses fonctions (toilettes des patients, …). La travailleuse avait également invoqué le fait que la société aurait dû faire usage de la procédure de contrôle médical avant de procéder à un constat par voie d’huissier. Le tribunal a rejeté cet argument considérant que cette seule circonstance, expliquée par un choix de l’employeur dans sa politique de gestion des ressources humaines, n’altérait pas la gravité des faits ayant fondé le congé.
Trib. trav. Bruxelles, 20 mars 2014, R.G. 12/13653A
Texte: Gaëlle Willems, avocate chez Claeys & Engels