Xavier Baeten et le chercheur Said Loyens (Vlerick Business School) ainsi que Bert De Greve (Hudson) publie un livre blanc qui jette un nouveau regard sur la « maison salariale de demain ». Ces experts formulent des recommandations en faveur d’une politique de rémunération plus stratégique, alignant le modèle de formation des salaires sur le contexte économique et social. Leur étude a été menée au sein du Centre for Excellence in Strategic Rewards de la Vlerick Business School, en collaboration avec Hudson, titulaire de la chaire de « Managing Talent of the Future » à la Vlerick. Leurs recommandations reposent sur une synthèse de la recherche académique et sur une étude comparative internationale, tout en tenant compte de la mise en œuvre pratique.
Comment les autres pays européens fixent-ils les salaires?
D’après des chiffres de l’AWVN, la principale fédération d’employeurs des Pays-Bas, la différence entre le salaire minimum et le salaire maximum pour des fonctions similaires y est bien plus réduite qu’en Belgique. « Tout d’abord, selon le niveau de la fonction, on compte au maximum entre 3 et 10 étapes pour une augmentation salariale au sein d’une même bande de salaire, explique Xavier Baeten. Deuxièmement, aux Pays-Bas, l’augmentation salariale dépend plus souvent d’une combinaison d’ancienneté et de performances individuelles. Ensuite, certaines entreprises recourent à des rémunérations individuelles variables. Elles le font en cas de prestations exceptionnelles ou lorsque des employés ont atteint le plafond de leur bande de salaire. Enfin, un certain nombre d’entreprises octroient également une participation bénéficiaire à leurs collaborateurs, sous la forme d’augmentations salariales collectives liées aux prestations. »
En Suède, les responsables politiques et les employeurs ont décidé à la fin des années 1980 de supprimer la relation entre salaire et ancienneté. « Les prestations individuelles forment le point de départ de la rémunération. Fait remarquable, le facteur d’ancienneté n’y joue absolument plus aucun rôle », ajoute Xavier Baeten.
Au Royaume-Uni, enfin, l’Equality Act de 2010 offre un cadre juridique pour lutter contre la discrimination liée à l’âge. Les employeurs britanniques ne peuvent pas accorder d’augmentation salariale sur la base du nombre d’années prestées. Il existe cependant quelques exceptions: par exemple pour les cinq premières années de travail ou encore lorsque l’employeur peut prouver objectivement qu’un tel lien est motivé par les besoins spécifiques de l’entreprise. Les différents niveaux de salaire au sein des grandes entreprises du FTSE 100 sont fixés par groupes de fonctions et par niveaux de compétences. Il n’y a en outre que trois étapes par bande de salaire.
Les fondements de la maison salariale de demain « Copier simplement ce que les autres pays font, ce n’est pas la solution, s’accordent à dire Xavier Baeten et Said Loyens. Nous avons dès lors combiné ces informations aux résultats de la recherche académique afin de formuler des recommandations spécifiques et étayées pour la Belgique. Concrètement, nous proposons 3 piliers. »
1/ L’expérience détermine la rémunération fixe pendant les premières années au sein de la fonction
C’est une méthode simple, facile à appliquer et transparente. En outre, pendant les premières années d’exercice d’une fonction, l’expérience constitue aussi un important indicateur prévisionnel des futures prestations. Il faut toutefois un plafond. Si l’on ne fixe pas de limite à la relation entre expérience et niveau de rémunération fixe, on crée une cage dorée pour les collaborateurs moins productifs. L’augmentation des salaires basée sur l’expérience doit également être conditionnée à un niveau de prestations minimum.
2/ Prestations individuelles et collectives
Les recherches ont mis en avant un lien positif entre incitation financière et prestations (tant quantitativement que qualitativement). Dans la pratique, cette incitation peut prendre la forme d’une rémunération au mérite (« merit pay », c’est-à-dire une augmentation salariale liée aux prestations) ou d’un système de rémunération variable. Cette dernière option est cependant plus facile à appliquer et plus efficace. En effet, on estime qu’une augmentation annuelle de 5% est le seuil minimum pour exercer un effet suffisant sur les prestations. Les bonus individuels et collectifs présentent également des avantages. Un bonus individuel produira ses effets stimulants pendant plus longtemps, tandis qu’un bonus collectif (comme une participation bénéficiaire) garantira une plus grande fidélité des collaborateurs, moins de rotation du personnel et un plus grand dévouement à la tâche.
3/ Du sur-mesure grâce à la rémunération flexible
La rémunération flexible peut permettre de répondre aux besoins d’une population active très diversifiée, en constante évolution et également plus âgée. Le point essentiel n’est pas tant financier, mais il porte sur 4 dimensions stratégiques: le temps, la pension, la mobilité, la formation et le développement. L’offre de choix favorise en outre la satisfaction de vos collaborateurs et leur permet de mieux comprendre ce que comportent précisément ces avantages. Cela peut également avoir un effet stratégique positif pour l’entreprise (par exemple en renforçant votre attractivité en tant qu’employeur).
La Vlerick Business School et Hudson soulignent le challenge pour les autorités, à savoir la nécessité de simplifier et de rendre plus flexible la (para)fiscalité de la rémunération. Par exemple, un employé devrait pouvoir consentir des versements supplémentaires à l’assurance groupe via son bonus et ce, en bénéficiant d’un régime (para)fiscal avantageux. La mise en place de telles méthodes flexibles doit évidemment se faire dans le respect des CCT sectorielles et d’entreprise.