Les spécialistes de la psychologie cognitive estiment que notre visage est primordial dans notre processus de communication sociale, et plus particulièrement le triangle formé par les yeux et la partie inférieure, rappelle Agnès Ceccarelli dans une chronique publiée sur le site The Conversation. Le masque serait ainsi un frein à la qualité de nos échanges, de nos interactions sociales en cachant près de 60% de cette zone. C’est d’ailleurs ce que démontre une étude récente du psychologue allemand Claus-Christian Carbon. Selon le chercheur, les masques sanitaires peuvent compliquer l’interaction sociale, car ils perturbent la lecture des émotions à partir de l’expression du visage. Les résultats de son enquête indiquent que la reconnaissance des émotions telles que la colère, le dégoût, la joie et la tristesse est fortement réduite, exception faite des visages exprimant la peur ou la neutralité.
L’étude apporte cependant quelques nuances, précise la professeure. La bouche semble importante pour la détection du bonheur et de la peur, mais les yeux sont plus pertinents pour la colère, le dégoût et la tristesse. D’autres recherches montrent également que les vrais sourires, autrement appelés sourire de Duchenne, du nom du médecin français fondateur de la neurologie au XIXe siècle, sont aisément reconnaissables au niveau du regard. Ces sourires, dits « sourires de récompense » selon la typologie du psychologue Paul Ekman, mobilisent en effet plusieurs muscles faciaux, comme le grand zygomatique, qui redresse les coins de la bouche, mais surtout l’orbiculaire, qui plisse les bords des yeux. Par ailleurs, les expressions faciales ne sont pas notre seule et unique source d’informations ; nous pouvons également avoir recours à la posture et au langage corporel pour déduire les états émotionnels de nos interlocuteurs. La voix ajoute également des indications et le contexte social fournit des informations complémentaires.
Masqué, mais pas caché
Si, en nous dissimulant, le masque fait également craindre une perte de son humanité, de sa personnalité voire de son individualité, il est possible de dédramatiser la situation avec une pointe d’humour et/ou de coquetterie, observe Agnès Ceccarelli. Il existe en effet des masques originaux, décalés et stylés permettant d’afficher (si le poste ou la fonction le permet) son propre look ou son humeur du moment. À cet effet, de nombreux designers et créateurs redoublent d’inventivité en proposant des masques de différentes formes et textures, de motifs et matériaux variés. Parmi eux, on trouve des masques imprimés de votre sourire pour un côté fun, ou encore des masques transparents pour mieux communiquer par le non verbal.
On peut même se demander si le masque ne deviendra pas un accessoire pour être vu, un incontournable de la mode lorsque de grandes maisons de luxe lancent leurs propres produits. Parmi elles, on peut citer Fendi dont les masques en soie imprimés de leur célèbre monogramme se retrouvent en rupture de stock malgré leur prix élevé. De même, Burberry présente désormais sur son site des masques (non commercialisés à ce jour), fabriqués dans le célèbre tissu tartan, signature reconnaissable de la marque.
Pour conclure, considérer le port du masque au travail comme un frein à la communication, une entrave à l’individualité peut être relativisé, souligne-t-elle. En laissant transparaître le regard, fenêtre visible et unique de notre visage, le masque permet tout de même d’assurer l’équilibre de nos interactions sociales. Nos yeux, en exprimant la plupart de nos émotions, permettent à nos interlocuteurs l’interprétation de notre état d’esprit et la perception de notre singularité. Dans ce contexte, plus que jamais, le proverbe: « le regard est le miroir de l’âme. », dit vrai…
Cette chronique a été publiée à l’origine sur The Conversation dont la mission est de diffuser les travaux de chercheurs et d’universitaires