Pour illustrer l’ampleur du problème, une déléguée syndicale belge a décrit les violences verbales dont elle a été victime de la part d’une collègue de travail dans la maison de retraite où elle travaillait. On lui a dit de « rentrer dans son pays », alors qu’elle est de nationalité belge. Elle a également montré aux participants les menaces écrites et les photos évoquant les pratiques brutales de l’époque de l’esclavage qui avaient été envoyées à un de ses collègues. D’autres délégués ont parlé de la discrimination à laquelle sont confrontées de nombreuses personnes appartenant à des minorités ethniques sur le marché du travail, certains racontant leur expérience personnelle d’être constamment écartés dans leurs efforts pour obtenir un emploi ou ne promotion. Comme l’a souligné un représentant, ces témoignages réfutent l’idée véhiculée par certains que nous vivons dans un « monde post-racial ». La grande question abordée par ce séminaire, intitulé Racisme et xénophobie sur le lieu de travail, était de savoir si nous observons actuellement une résurgence notable de ce problème.
Aaron Winter, sociologue à l’East London University, a attiré l’attention sur l’augmentation des crimes haineux au Royaume-Uni, dont 80% sont d’origine raciale. Il est également indéniable que les partis d’extrême droite jouissent d’un soutien croissant dans toute l’Europe. Il a fait remarquer que le rôle de l’extrême droite est souvent de fournir une voix extrémiste qui fait de la place à une forme de xénophobie plus “modérée”. Il en a résulté une normalisation et une généralisation du discours raciste ces dernières années.
Cette problématique est inévitablement liée au débat incendiaire autour de la migration en Europe. Des intervenants ont estimé que l’insécurité en matière d’emploi et de protection sociale est l’un des principaux facteurs à l’origine des attitudes hostiles de certains travailleurs à l’égard des immigrés. Toutefois, de nombreux représentants ont souligné l’importance de ne pas confondre les deux problèmes. Stefaan Piersman, du syndicat belge ACV-CSC, a soutenu que la question relève de la discrimination dans la société et sur le marché du travail. Il n’est pas nécessaire d’être immigré pour en faire l’expérience.
Un certain nombre de syndicats ont été actifs sur ce dossier. Plusieurs représentants de Belgique et d’Allemagne ont présenté leurs initiatives, dont des campagnes sur les médias sociaux, des actions contre l’extrême droite, des projets en entreprise avec de jeunes travailleurs et un soutien du syndicat dans des cas individuels de discrimination. L’initiative allemande ‘Gelbe Hand’, fondée en 1986 et qui a créé un « système de parrainage » entre travailleurs, en est un exemple frappant. Cette campagne a remporté de nombreux succès et bénéficie de l’appui de l’ensemble de la sphère politique.
Les représentants des syndicats ont souligné que le lien étroit entre xénophobie et exploitation économique signifie que les syndicats doivent s’attaquer au problème en renforçant la solidarité et en y associant les travailleurs au sein du mouvement syndical. Au nom de la CES, Thiébaut Weber, secrétaire confédéral, a annoncé une stratégie de suivi pour mieux soutenir ses organisations membres dans cette tâche. La prochaine manifestation de la CES dans ce cadre a été annoncée pour janvier 2019.
Les travailleurs des minorités ethniques et les travailleurs migrants sont en première ligne des grands changements dans le monde du travail, car ils occupent souvent des emplois précaires. Ce sont là les travailleurs que les syndicats doivent mobiliser. Comme l’a souligné Wilf Sullivan, responsable de l’égalité raciale au TUC, qui a sondé les affiliés sur le sujet, « Cette question est intrinsèquement liée à l’avenir du mouvement syndical. Si nous l’ignorons, nous le faisons à nos risques et périls ».
Source: ETUI