Mélanie Henrion, Avocat, Claeys & Engels
Faits
Le 1er octobre 2010, M. X. est entré au service de la Banque dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée en tant que Conseiller Senior Private Banking.
Durant l’exécution du contrat, la Banque a pris connaissance de manquements professionnels dans le chef de M. X. qui n’a notamment pas respecté la procédure Mifid, réglementant l’ensemble des produits et services d’investissement dans le secteur bancaire en vue, notamment, de protéger les investisseurs et l’intégrité des marchés financiers.
Face à ces violations de la procédure, intervenues dans deux dossiers, la Banque a entendu M.X. qui n’a pas contesté les faits mais a tenté de les minimiser.
La Banque a donc décidé de rompre le contrat de M.X. considérant qu’elle ne pouvait plus lui accorder la confiance nécessaire à la poursuite de la relation contractuelle.
M. X. a toutefois contesté son motif grave, dès lors qu’elle considérait que ces manquements n’étaient pas intentionnels, qu’ils ne lui apportaient aucun avantage et qu’elle n’avait pas d’intention malveillante, ni d’intérêt financier à les commettre.
Selon M.X., cette absence d’intention malveillante suffisait à contester le motif grave.
Le litige a tout d’abord été porté devant le Tribunal du travail de Bruxelles qui a conclu à l’absence de motif grave.
Selon le Tribunal, le non-respect de la procédure par M.X. était avéré mais il était dû à des négligences et la Banque n’établissait pas suffisamment le caractère intentionnel des omissions.
Les fautes ne revêtaient pas, selon le Tribunal, un caractère de gravité tel qu’elles pouvaient justifier le licenciement sans préavis, ni indemnité.
Le Banque a donc décidé d’interjeter appel de cette décision.
Décision de la Cour du travail de Bruxelles
La Cour du travail n’a pas partagé l’analyse du Tribunal du travail.
En se focalisant sur les faits invoqués dans le courrier de licenciement, la Cour a notamment constaté que :
- La Banque avait insisté sur le caractère délibéré du non-respect des règles de procédure en mettant en exergue la parfaite maîtrise de la réglementation par M.X. et la succession des transgressions.
- Les fautes commises devaient être considérées comme graves dès lors qu’elles exposaient les clients concernés à des déconvenues financières, faisaient courir le risque d’engager la responsabilité de la banque et placerait aussi celle-ci dans une position délicate dans l’éventualité d’un contrôle de la FSMA.
- L’absence de préjudice dans le cas d’espèce ne suffisait pas à relativiser l’impact négatif de ces manquements sur la relation de confiance entre M.X. et la Banque.
- Dans les circonstances précises de la cause, considérant spécialement les conséquences possibles pour le client ou pour la Banque, l’absence d’intention malveillante n’atténuait pas la gravité des fautes imputées, quand bien même il n’en était résulté aucun préjudice pour personne.
Le motif grave a donc été déclaré recevable (une discussion sur le respect du délai de 3 jours et de la nécessité d’organiser une audition était également ouverte) et fondé.
En conclusion
La Cour confirme donc que des manquements professionnels constituent un motif grave lorsqu’un caractère délibéré est démontré dans la violation des procédures et que ces manquements concernent des réglementations ou des règles importantes et primordiales pour l’employeur, pouvant impliquer, en cas de violations, d’importantes conséquences.
La Cour confirme également que le fait que le travailleur ait agi sans intention malveillante n’est pas suffisant à remettre en cause le motif grave, pour autant que les conséquences des manquements soient importantes.
Sources : C.T. Bruxelles, 21 décembre 2022, RG 2012/AB/347
Mélanie Henrion
Avocat
Claeys & Engels