À la demande de l’ETUI, Damini Purkayastha, Christophe Vanroelen, Tuba Bircan, Marthe Andrea Vantyghem et Clara Gantelet Adsera d’Interface Demography ont étudié la relation entre la santé au travail et la pandémie de Covid-19. Le rapport ‘Work, health and Covid-19: a literature review’ rassemble les résultats d’études sur différents aspects de la manière dont les travailleurs font face à la pandémie. Conclusion importante: les travailleurs ayant des revenus faibles ou précaires, des contrats flexibles, un manque d’accès à la protection sociale… — en bref, les travailleurs en situation d’emploi précaire — sont beaucoup plus exposés aux effets négatifs de la crise sanitaire.
En outre, certains groupes socio-démographiques se trouvent dans une situation particulièrement vulnérable en raison de la combinaison de leur situation professionnelle et de leur situation sociale plus large: par exemple, les travailleurs migrants, les minorités ethniques, les femmes dans les services de soins et les services à la personne, les sans-papiers, les travailleurs informels. Souvent, ces caractéristiques sont également présentes simultanément, ce qui renforce la situation défavorable de certains travailleurs.
« Des études menées dans différents secteurs à travers le monde soulignent combien les personnes ayant un statut d’emploi précaire sont plus exposées, non seulement parce qu’elles ne bénéficient pas de congés de maladie payés adéquats ou de soins de santé abordables, mais aussi parce qu’elles n’ont pas le pouvoir d’exiger de meilleures conditions de travail, observe Christophe Vanroelen. Les travailleurs à faible revenu, les travailleurs saisonniers, les travailleurs migrants sans papiers, les travailleurs issus de minorités ethniques — surtout s’il s’agit de femmes — font partie des personnes les plus vulnérables à l’exposition professionnelle parce qu’elles sont confrontées à certains de ces facteurs. »
Essentiel mais vulnérable
Compte tenu de la nature de la pandémie, les mesures relatives au travail à domicile sont limitées à un petit groupe privilégié de travailleurs. Les professions qui exigent la présence physique des travailleurs sont plus susceptibles d’être des emplois précaires à faible revenu. Ironiquement, plusieurs de ces professions ont été déclarées « essentielles » pendant la pandémie, explique Christophe Vanroelen.
Les travailleurs à bas salaire sont vulnérables pour de nombreuses raisons. Ils ne peuvent pas se permettre de rester à la maison lorsqu’ils sont malades, il est peu probable qu’ils se fassent porter pâle lorsqu’ils présentent des symptômes, ou ils craignent de perdre leur emploi. Les travailleurs au statut d’emploi précaire n’ont souvent pas le pouvoir de négociation nécessaire pour exiger une meilleure protection contre le virus. Des études ont également montré que les secteurs où la représentation syndicale est plus élevée avaient un meilleur accès aux équipements de protection et des taux de mortalité COVID-19 plus faibles.
Reconnaissance comme maladie professionnelle
« En plus de reconnaître la Covid-19 comme une maladie professionnelle et de fournir une protection adéquate aux travailleurs de tous les secteurs, il est important que les mesures de sécurité et de santé au travail aillent au-delà de la ‘limitation de l’exposition au virus’, conclut le chercheur. Une politique de prévention adéquate doit également tenir compte des facteurs qui rendent difficile la protection contre l’exposition, tels que la situation professionnelle, la protection sociale ou le niveau de participation. Concrètement, une meilleure représentation des intérêts des travailleurs, un contrôle efficace des mesures de sécurité, une sécurité de l’emploi et une protection sociale accrues, une bonne politique en matière de congés de maladie et un meilleur suivi du risque Covid sur le lieu de travail peuvent améliorer la situation des travailleurs qui se trouvent dans une position vulnérable. »