La loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination a érigé l’état de santé, actuel ou futur, au titre de critère protégé. Ceci a pour conséquence qu’une distinction sur base de ce critère est susceptible de former une discrimination si cette distinction est injustifiée.
Si le travailleur qui s’estime victime de discrimination invoque des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination fondée sur un critère protégé, l’employeur devra pouvoir démontrer qu’il n’y a pas eu de discrimination. Le simple fait d’avancer qu’une discrimination a été commise ne peut toutefois pas suffire à prouver l’existence d’une discrimination. La preuve de faits permettant de présumer une discrimination doit être apportée.
Jugement
En l’espèce, l’employeur avait rompu le contrat de travail de l’une de ses travailleuses alors que celle-ci n’était pas présente au travail, mais absente depuis plus de 8 mois en raison d’un burn out. L’employeur justifiait ce licenciement par la redistribution des tâches de la travailleuse : étant donné l’absence prolongée au travail, l’employeur avait fini par redistribuer l’ensemble des tâches de l’intéressée, entraînant la disparition de l’objet de sa fonction.
Le tribunal, après avoir rappelé les principes applicables, souligne qu’il n’y a pas lieu de présumer que la travailleuse aurait été discriminée sur base de son état de santé. Le fait qu’elle estime être la seule visée par la réorganisation et qu’elle ait été promue antérieurement n’implique pas qu’il y aurait une présomption de discrimination dans son chef.
Le tribunal constate ensuite que l’absence de la travailleuse pour cause de burn out avait été prolongée à plusieurs reprises par des certificats médicaux successifs, les périodes d’incapacité de travail s’allongeant progressivement de quelques jours, au début de l’incapacité de travail, jusqu’à un mois et demi. Partant, dans un contexte d’incertitude quant à la date de retour de la travailleuse, une redistribution profonde et structurelle de ses tâches était progressivement devenue inévitable afin d’assurer la continuité de son travail, et ce après que l’employeur ait tenté, dans un premier temps, de pallier ponctuellement à l’absence de celle-ci.
Sur base de ce constat, le tribunal estime que les raisons d’organisation invoquées par l’employeur sont démontrées, dans la mesure où la présence de la travailleuse était devenue peu à peu superflue compte tenu de la redistribution de ses tâches.
Le tribunal conclut que l’employeur n’a pas opéré une distinction illicite sur base de l’état de santé de la travailleuse : il s’est fondé sur les conséquences organisationnelles de l’absence continue de celle-ci pour procéder à son licenciement. Le tribunal estime par ailleurs qu’en redistribuant les tâches de la travailleuse, d’abord temporairement et ensuite structurellement, l’employeur poursuivait un but légitime, de manière proportionnée et progressive.
Conclusion
Si ce jugement confirme qu’il peut être mis fin, selon la situation de fait, à un contrat de travail pendant une période d’incapacité, la prudence reste toutefois de mise. Notre expérience nous montre que si la rupture d’un contrat est due à une réorganisation ou à des nécessités de fonctionnement, il peut en principe être soutenu, devant les juridictions du travail, que le licenciement n’est pas discriminatoire étant donné qu’il n’est pas, en soi, basé sur l’état de santé. Dans cette hypothèse, l’employeur devrait pouvoir être en mesure de documenter la réalité des motifs avancés.
Sarah Cluydts
Claeys & Engels
Trib. trav. Bruxelles, 13 juin 2016, R.G. n° 14/7837/A