Dans un arrêt du 24 janvier 2024, la cour du travail de Bruxelles s’est prononcée sur la question du droit à des dommages et intérêts en cas d’absence d’offre de reclassement professionnel, lorsque le licenciement pour motif grave est jugé irrégulier.
Faits
À la suite d’une rupture de son contrat de travail pour motif grave, un travailleur a saisi les juridictions du travail pour contester cette décision. Il a sollicité la condamnation de l’employeur au paiement de diverses sommes, incluant une indemnité compensatoire de préavis et une indemnité à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel lié à l’absence d’offre de reclassement professionnel.
Soutenant que son licenciement pour motif grave était infondé, le travailleur réclamait des dommages et intérêts en raison de l’absence d’une offre d’outplacement. Il évaluait son préjudice à la valeur que cette offre aurait dû représenter.
La décision du tribunal du travail francophone de Bruxelles
Le tribunal du travail francophone de Bruxelles a jugé les demandes recevables et partiellement fondées. Il a conclu à l’irrégularité du licenciement pour motif grave en raison du non-respect du délai légal de notification de trois jours. Par conséquent, le travailleur s’est vu accorder le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis et des avantages rémunératoires liés à la rupture irrégulière de son contrat de travail.
Concernant la demande de dommages et intérêts pour absence d’offre de reclassement professionnel, le tribunal a rappelé les dispositions de la loi du 5 septembre 2001 visant à améliorer le taux d’emploi des travailleurs. Cette loi prévoit qu’un travailleur licencié moyennant un préavis d’au moins 30 semaines doit recevoir une offre d’outplacement. Toutefois, son article 11/3 exclut expressément cette obligation en cas de licenciement pour motif grave.
Le tribunal a donc estimé que l’employeur n’avait pas commis de faute en ne proposant pas d’offre de reclassement professionnel, cette obligation ne s’appliquant pas en cas de licenciement pour motif grave. En conséquence, la demande de dommages et intérêts du travailleur a été rejetée.
La décision de la cour du travail de Bruxelles
Les deux parties ont interjeté appel de cette décision. Le travailleur, dans le cadre de son appel incident, a reformulé sa demande de dommages et intérêts pour absence d’offre de reclassement professionnel.
La cour du travail de Bruxelles a confirmé le caractère irrégulier du licenciement pour motif grave et s’est de nouveau penchée sur la question des dommages et intérêts liés à l’absence d’offre de reclassement.
Sur ce point, la cour a confirmé le jugement de première instance, estimant que l’absence d’offre de reclassement professionnel ne constituait pas une faute de l’employeur, l’exclusion prévue par l’article 11/3 restant applicable malgré l’irrégularité du licenciement.
En outre, la cour a souligné que, même si une faute avait été retenue, le travailleur ne démontrait pas l’existence d’un préjudice. En effet, si une telle offre avait été formulée, l’employeur aurait été en droit de retenir quatre semaines de rémunération sur l’indemnité compensatoire de préavis. Cette retenue se serait traduite par une réduction brute de l’indemnité de préavis.
En conséquence, la cour a débouté le travailleur de sa demande de dommages et intérêts.
Conclusion
En cas de licenciement pour motif grave irrégulier, l’absence d’offre de reclassement professionnel ne constitue pas, en soi, une faute de l’employeur. De plus, le travailleur ne subit aucun préjudice réel, dès lors que le coût de l’outplacement aurait été déduit de son indemnité compensatoire de préavis.
C. trav. Bruxelles, 24 janvier 2024, R.G. 2020/AB/508

Laura Rassinfosse
Avocate