L’employeur licencie une travailleuse après 1 an et 4 mois d’occupation. Celle-ci occupait le poste de vendeuse dans un supermarché. La travailleuse conteste son licenciement, l’estimant manifestement déraisonnable, et revendique le paiement de 17 semaines de rémunération (soit 5.351,25 €) sur base de la CCT 109.
Discussion
L’employeur a motivé le licenciement de la travailleuse sur base de différents manquements constatés durant son occupation, qui ont fait l’objet de multiples rappels à l’ordre verbaux et d’un unique avertissement écrit notifié seulement un mois avant le licenciement intervenu le 24 août 2018.
L’employeur reprochait, notamment, à la travailleuse un manque d’implication au travail, un esprit trop négatif, une concentration éparse et une attitude d’indifférence au travail.
L’employeur apportait également des photos des images de caméras de surveillance installés dans le magasin attestant de certains manquements de la travailleuse, en particulier, l’utilisation de son GSM durant ses heures de travail et d’avoir mangé à la caisse.
Afin de soutenir son propos, l’employeur produit, dans le cadre de la procédure engagée par la travailleuse, le rapport, mitigé, d’évaluation de la travailleuse de l’année 2017 (ayant été embauchée en mars 2017) et le plan d’action pour 2018 élaboré avec la travailleuse en vue de remédier à ses insuffisances professionnelles soulevées.
La travailleuse, quant à elle, afin de démontrer que les motifs de son licenciement sont en réalité tout autres, dépose un enregistrement de la conversation de son entretien de licenciement lors duquel la responsable RH de l’employeur et la gérante du magasin revenaient sur les reproches formulés à l’encontre de la travailleuse. Cet enregistrement a été réalisé par la travailleuse à l’insu de ses interlocutrices. La travailleuse estime que cet enregistrement suffit à attester que le réel motif de son licenciement ait été qu’elle ait dû quitter son travail plus tôt la veille, ce pour une urgence familiale.
Finalement, l’employeur produira également trois déclarations d’anciens collègues de la travailleuse qui affirment de leur collaboration difficile avec cette dernière, ayant un tempérament contestataire et réfractaire à l’esprit d’équipe du magasin, et de l’entreprise.
Décision du tribunal
Alors que les parties ont longuement débattu sur la légalité des images de vidéosurveillance produites et l’enregistrement effectué par la travailleuse de son dernier entretien avec ses responsables, expliquant les raisons de son licenciement, le tribunal porte une attention particulière à deux des trois attestations produites par l’employeur.
Le tribunal estime que ces deux déclarations, conformes au prescrit de l’article 961 du Code judiciaire, sont à prendre en considération dans la mesure où elles sont suffisamment précises, concordantes, sans pourtant être identiques. Le tribunal y ajoute le fait qu’elles émanent de préposés de l’employeur n’est nullement un élément suffisant pour leur ôter toute crédibilité.
Ayant constaté l’existence de diverses remontrances exprimées par l’employeur, confirmées par les éléments de son dossier (notamment la lettre de mise en demeure, l’évaluation et le plan d’action) et attestées par les déclarations claires et précises de témoins, le tribunal pointe qu’il reste à examiner si la travailleuse parvient à démontrer que les motifs invoqués par son employeur ne constituent pas la véritable cause de son licenciement.
Après avoir validé la production de l’enregistrement de la conversation réalisé par la travailleuse, le tribunal estime que celui-ci ne remet toutefois nullement en question les motifs invoqués par l’employeur, contrairement à ce que soutient la travailleuse.
Dans ces circonstances, le tribunal estime que la travailleuse a effectivement été licenciée pour des raisons liées à son comportement au travail, et que le licenciement n’est dès lors pas manifestement déraisonnable.
Conclusion
Rare sont les employeurs friands de devoir faire attester leurs propres travailleurs en vue d’apporter des éléments de preuve complémentaires dans le cadre d’une procédure judicaire. Pourtant, voici une nouvelle affaire qui conforte l’intérêt de ces déclarations pouvant venir étayer un dossier parfois un peu trop dépourvu d’avertissements écrits. À noter que l’employeur ne peut en aucun cas contraindre ses travailleurs d’attester et que toute déclaration doit être établie conformément aux prescrits de l’article 961 du Code judiciaire.
Myriem Ahdach
Claeys & Engels
Source : T. trav Liège, div Namur, (2ème ch.), 20 septembre 2021, R.G. n° 19/548/A