De nombreux jeunes sortent du système éducatif avec peu ou pas de diplôme, ce qui rend difficile leur insertion sur le marché de l’emploi, particulièrement à Bruxelles. La formation professionnelle, qui s’adresse aux demandeurs d’emploi, est alors un élément clé de la lutte contre le chômage. De nombreuses politiques tablent sur la possibilité de rapprocher les qualifications des demandeurs d’emploi et les besoins des entreprises. À Bruxelles plus qu’ailleurs, la persistance d’un chômage structurel et de moins en moins sensible à la conjoncture économique incite cependant à s’interroger sur la marge de manœuvre dont dispose la formation professionnelle pour rencontrer les besoins en matière d’emploi.
La formation est un vecteur de mobilisation pour les demandeurs d’emploi. À ce titre, elle peut jouer son rôle dans la résorption du chômage. Mais la source de celui-ci peut aussi être une pénurie d’offres d’emploi. Dans ce cas, le chômage ne s’explique pas prioritairement par une inadéquation globale de la demande par rapport à l’offre, même si individuellement la formation d’un chômeur peut favoriser sa réinsertion. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que la formation professionnelle peut aussi avoir des finalités plus larges que la seule réponse aux demandes du marché du travail: être un outil d’émancipation citoyenne ou un instrument d’égalisation des chances entre groupes sociaux.
Une manière d’y voir plus clair est d’examiner dans quelle mesure l’entrée dans le dispositif de formation garantit l’accès en emploi. C’est à cette question que se sont attaqués, pour le numéro 96 de Brussels Studies, Matthieu Veinstein, sociologue à l’Université libre de Bruxelles et Isabelle Sirdey, économètre au Service Études et Statistiques de Bruxelles Formation. Par un suivi des demandeurs d’emploi inoccupés et peu scolarisés passés par une formation coordonnée par Bruxelles Formation, les deux chercheurs ont pu mesurer l’équité d’accès à la formation qualifiante et, pour les sortants de ces formations, l’équité d’accès à un emploi stable.
Ils constatent tout d’abord que, de manière générale, le dispositif de formation professionnelle bruxellois francophone améliore très significativement les chances d’insertion des participants dans le marché de l’emploi. On peut donc conclure à l’efficacité d’une offre de formation qui s’adapte continuellement aux besoins des entreprises. Du moins pour les participants qui arrivent au bout du parcours de formation professionnelle. Le « décrochage scolaire » s’observe ici aussi et mériterait d’être mieux analysé.
Les auteurs ont aussi constaté que la formation qualifiante est accessible, de manière équitable, aux jeunes infrascolarisés. Mais l’impact en termes de « seconde chance » qui pourrait en résulter est cependant atténué, après le passage en formation qualifiante, par les pratiques de recrutement des employeurs. Si, de manière générale, les entreprises privilégient les sortants de ces formations, d’autres critères sont clairement pris en compte, dont leur parcours scolaire. Le différentiel se marque surtout pour les recrutements rapides, associés aux possibilités de stabilisation au travail dans la période post-formation. Sur ce plan, les peu scolarisés bénéficient moins de leur passage en formation qualifiante.
Les groupes a priori les plus vulnérables bénéficient donc de leur passage en formation, mais davantage au travers de trajectoires d’accès à l’emploi plus lentes et chaotiques. La formation professionnelle seule n’est pas un gage du succès. L’abondance des demandeurs d’emploi permet aux entreprises de réduire fortement les risques de leur point de vue, ce qui se fait souvent aux dépens des demandeurs d’emploi au curriculum le moins bien fourni.
Les résultats de cette étude confortent donc l’idée que, pour lutter contre le chômage à Bruxelles, il est aussi et surtout nécessaire d’assurer un développement économique générant suffisamment d’emplois susceptibles d’être occupés par des Bruxellois. Ce n’est qu’à cette condition que la formation professionnelle sera pleinement efficace, individuellement, mais aussi collectivement.