Justin Lennertz, Avocat, Claeys & Engels
Depuis 2008, les revenus de droits d’auteur bénéficient d’un traitement fiscal particulièrement avantageux.
Ces revenus de droits d’auteur sont qualifiés de revenus mobiliers et sont imposables à un taux de 15% jusqu’à un certain montant (70.220 EUR pour l’année de revenus 2023). Au-delà, il s’agit en principe de revenus professionnels.
Mais ce n’est pas tout, le montant imposable sur lequel s’applique le taux de 15% est calculé après avoir déduit préalablement un forfait de frais (alternativement, une déduction des frais réels est également possible). En fin de compte, après déduction de ces frais forfaitaires, on obtient une imposition effective se situant entre 7,5% et 12%.
En pratique, ce régime était notamment utilisé comme mode de rémunération attractif pour de nombreux salariés.
D’aucuns considèrent qu’à l’origine l’objectif était d’appliquer ce régime fiscal avantageux pour les revenus perçus de manière aléatoire et irrégulière dans l’exercice d’activités artistiques. Ce régime s’est pourtant étendu depuis lors à des secteurs d’activité très variés. Dans ce contexte, le gouvernement s’est employé à réformer le régime fiscal afin de revenir à l’objectif de départ …, ce qui suscite beaucoup de questionnements notamment pour les profils IT.
Champ d’application du régime jusqu’à la fin de 2022
Jusqu’à la fin de 2022, tous les revenus provenant de la cession ou de la concession de travaux protégés par les droits d’auteur, droits voisins ou licences visés au livre XI du Code de Droit Economique (CDE) bénéficiaient du traitement fiscal favorable réservé aux revenus de droits d’auteur. Ce livre XI traite à la fois les droits d’auteur et droits voisins (Titre 5), les programmes d’ordinateur (Titre 6) et les bases de données (Titre 7).
Nouveau régime fiscal
Depuis le 1er janvier 2023, le nouveau régime fiscal des droits d’auteur se réfère – de façon plus limitative – aux droits d’auteur et droits voisins, ainsi qu’aux licences légales et obligatoires organisées par la loi, visés au livre XI, Titre 5 du CDE.
En outre, les droits visés doivent dorénavant se rapporter à des œuvres littéraires ou artistiques originales visées à l’article XI.165 du CDE (repris au Titre 5 du CDE) ou à des prestations d’artistes-interprètes ou exécutants visées à l’article XI.205 du CDE (également repris au Titre 5 du CDE).
Se pose donc la question de savoir si les profils IT tombent encore dans le champ d’application du nouveau régime fiscal, compte tenu du fait qu’il n’est dorénavant plus fait référence au Titre 6 portant spécifiquement sur les programmes d’ordinateur (mais sans qu’une exclusion explicite soit prévue pour autant).
Une condition supplémentaire est également ajoutée en ce que l’intéressé doit dorénavant, soit être titulaire d’une attestation de travailleurs des arts, soit transférer les droits concernant son œuvre protégée par le droit d’auteur à un tiers aux fins de la communication au public, d’exécution ou de représentation publique ou de reproduction.
Ensuite, outre le plafond actuel de droits d’auteur (70.220 EUR pour l’année 2023) qui est maintenu, un second plafond égal à 30% de la rémunération totale du bénéficiaire est instauré lorsque l’auteur est également rémunéré pour des prestations professionnelles. Ce pourcentage est toutefois temporairement porté à 50% pour 2023 et à 40% pour 2024.
Enfin, une dernière limite est prévue lorsque l’intéressé perçoit, durant les quatre exercices d’imposition précédents, des droits d’auteur dont le montant moyen excède le plafond en vigueur pour l’année de revenus concernée (70.220 EUR pour l’année 2023). Dans ce cas, les droits d’auteur de l’année en cours ne sont plus considérés comme des revenus mobiliers mais comme des revenus professionnels.
Période transitoire
Un régime transitoire est prévu pour les personnes qui ont été imposées sur des revenus qualifiés de droits d’auteur (sur base de l’ancien régime applicable jusqu’à la fin de 2022), mais qui ne le sont plus sur base du nouveau régime, et ce, afin de permettre à ces personnes de s’adapter progressivement aux nouvelles mesures. Ces personnes pourront continuer à bénéficier du régime fiscal des droits d’auteur en 2023 uniquement. Toutefois, les plafonds fiscaux sont réduits de moitié dans ce cas.
Sécurité sociale
Jusqu’à présent, la rémunération versée sous forme de droits d’auteur est en principe assujettie aux cotisations de sécurité sociale. Toutefois, un arrêté royal visant à exempter, moyennant certaines limites, les droits d’auteur de cotisations sociales devrait en principe voir le jour.
Points d’attention
Les considérations en matière de ressources humaines sont nombreuses, du fait que cette réforme risque d’emporter des difficultés en matière de recrutement ou de rétention dans les entreprises ou secteur ayant habituellement une politique de rémunération incluant des droits d’auteur. Il faudra donc faire preuve de créativité pour pallier ces difficultés et trouver des solutions et/ou alternatives convaincantes.
Justin Lennertz
Avocat
Claeys & Engels