En 2009, Madame B. est engagée comme vendeuse d’un magasin de papeterie au sens large à Bruxelles. Le vendredi 22 avril 2017, le gérant du magasin au sein duquel était occupée Madame B. avait pris congé. Lors de son retour le lundi 24 avril 2017, le gérant a constaté à l’arrière du magasin des restes de bricolages.
Au cours d’une enquête menée en interne, les personnes présentes le vendredi 22 avril, à savoir le garde de sécurité et trois autres vendeurs, ont indiqué que Madame B. avait confectionné un bricolage (au moyen de boules en frigolite), qu’elle avait emporté avec elle le soir même.
Le jeudi 11 mai 2017, après discussion avec la direction, Madame B. a été confrontée aux faits. Au cours de cette audition, Madame B. a reconnu avoir peint des boules en frigolite pendant une partie de ses heures de travail, les avoir emportées chez elle et avoir eu l’intention de payer la marchandise à son employeur. À l’issue de l’entretien, le jeudi 11 mai 2017, la société a notifié à Madame B. son licenciement pour motif grave.
À la suite de son licenciement, Madame B. introduit une procédure en justice afin de réclamer le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis, due à considérer que le licenciement pour motif grave n’est pas régulier. A l’appui de sa demande, Madame B. soutenait notamment:
- qu’il existait au sein du magasin un pratique courante consistant à bricoler pour des clients;
- que ce bricolage servirait au cours d’une tombola pour un club de hockey, prétendu client ou « partenaire commercial » de la société (dont elle produit des attestations);
- avoir prévenu et avoir reçu l’autorisation préalable du responsable du magasin;
- et enfin, elle soulignait avoir réalisé le bricolage au vu et su de tous ses collègues et responsables, ce qui démontrerait sa bonne foi.
Jugement
Le Tribunal n’a pas suivi le raisonnement de Madame B. pour les raisons suivantes :
- il existait certes une pratique consistant pour le personnel du magasin à effectuer des bricolages, mais ceux-ci étaient exclusivement destinés à être exposés en magasin (et éventuellement vendus en fin de saison aux clients, mais pas directement à ceux-ci);
- rien ne démontrait qu’elle aurait prévenu la responsable de magasin;
- les attestations du club de hockey ne sont pas convaincantes, dès lors qu’il n’existe aucune trace d’une quelconque commande dans le dossier et aucune pièce du dossier selon laquelle un paiement serait intervenu, comme le prétend le club de hockey.
Conclusion
En conséquence, le Tribunal confirme que c’est à bon droit que la société a procédé au licenciement pour motif grave de Madame B. pour avoir
- utilisé du temps de travail à des fins privées et
- avoir emporté chez soi de la marchandise du magasin, sans la payer.
Les faits sont par ailleurs suffisamment démontrés au moyen du PV d’audition de Madame B. et des 4 témoignages produits par la société (garde de sécurité et 3 vendeurs).
Ce jugement s’inscrit également dans la jurisprudence de la Cour de cassation, qui retient que les juges doivent uniquement examiner si les faits en cause ont entrainé la rupture, ou non, du lien de confiance entre les parties, et ceci peu importe les considérations de proportionnalité qui seraient liées à la valeur des marchandises volées par exemple. A juste titre, le Tribunal du travail rappelle également qu’il n’y a pas lieu de vérifier de quelconque intention frauduleuse dans le chef de l’intéressée.
Oriane Bauchau
Claeys & Engels
Source: Tribunal du travail francophone de Bruxelles, 15 juillet 2020, RG n°18/3153/A