Alexandre Alves Martins, Avocat, Claeys & Engels
Dans un jugement du 10 février 2023, le Tribunal du travail de Liège, division Liège, considère qu’une travailleuse s’étant soustraite à deux reprises au contrôle médical sollicité par son employeur au cours d’une période d’incapacité donnée, sans pouvoir arguer d’un quelconque motif légitime apte à justifier cette soustraction, pouvait, à bon droit, se voir privée de son salaire garanti, tant pour la période antérieure aux tentatives de contrôle, que pour la période postérieure à celles-ci.
Les faits
Madame D est employée administrative de la société I depuis une dizaine d’années.
Après une période d’incapacité de travail s’étendant du 6 juillet 2021 au 13 août 2021, et une période de vacances annuelles immédiatement successive à cette période d’incapacité, Madame D a souffert d’une nouvelle période d’incapacité de travail à dater du 30 août 2021.
Afin de s’enquérir de la situation médicale de Madame D, son employeur a mandaté un médecin – contrôleur, lequel s’est présenté le 1er septembre 2021 au domicile de Madame D, trouvant à cette occasion porte close.
A cette occasion, le médecin – contrôleur a donc laissé un avis, reconvoquant Madame D pour le lendemain, à savoir le 2 septembre 2021, à son cabinet.
Madame D ne s’est cependant pas présentée davantage à cette seconde convocation.
Le 4 septembre 2021, lorsque Madame D a pris connaissance de l’avis de passage du médecin – contrôleur, elle a informé son employeur de son motif de soustraction au contrôle médical, à savoir qu’elle logeait chez sa tante.
Constatant que Madame D s’est soustraite au contrôle médical à deux reprises, et considérant que le motif avancé n’était pas légitime, l’employeur a entrepris de ne pas payer le salaire garanti de Madame D pour sa période d’incapacité ayant débuté le 30 août 2021, faisant ainsi application (notamment) des dispositions de son règlement de travail en la matière.
Madame D a introduit par requête du 27 octobre 2021, une procédure judiciaire à l’encontre de son employeur devant le Tribunal du travail de Liège, afin de voir celui-ci condamné à lui payer le salaire garanti pour sa période d’incapacité ayant pris cours le 30 août 2021.
La décision du tribunal
Le tribunal commence par rappeler les principes applicables en matière d’incapacité de travail et de salaire garanti, et notamment le prescrit de l’article 31 de la loi du 3 juillet 1978, aux termes duquel le travailleur qui, sans motif légitime, se soustrait au contrôle médical commandé par son employeur peut se voir refuser le bénéfice du salaire garanti.
Le Tribunal poursuit en rappelant que
« le travailleur qui n’avertit pas l’employeur du lieu de résidence commet une faute qui doit être considérée comme un comportement d’évitement du contrôle qui entraîne la perte du salaire garanti ».
En appliquant ces principes au cas d’espèce qui lui est soumis, le Tribunal conclut qu’il revenait à Madame D d’avertir son employeur de son lieu de réside/de son changement d’adresse, et qu’à défaut de se faire, Madame D ne peut faire état d’aucun motif légitime apte à justifier la soustraction au contrôle médical commandé par l’employeur.
Le Tribunal constate donc que Madame D
« a dès lors, par son attitude, rendu impossible la vérification par l’employeur de son état d’incapacité de travail »
et déboute Madame D. de sa demande tendant au paiement de son salaire garanti pour la période d’incapacité ayant pris cours le 30 août 2021, validant par la même la perte du salaire garanti pour la période postérieure à la soustraction, ainsi que l’absence d’obligation dans le chef de l’employeur de faire procéder à un troisième contrôle médical.
En conclusion
La décision analysée est tout d’abord intéressante en ce qu’elle prend position sur une question débattue consistant à savoir si la perte du salaire garanti concerne uniquement la période antérieure à la soustraction au contrôle médical, ou si elle peut également concerner la période postérieure.
Dans la décision analysée, le Tribunal du travail de liège valide (à tout le moins implicitement) la seconde thèse, consacrant la perte du salaire garanti pour toute la période d’incapacité considérée.
Par ailleurs, ce jugement du Tribunal du travail de Liège nous enseigne que l’employeur ne peut se voir contraint de mandater, une nouvelle fois, un médecin contrôleur après 2 occurrences d’évitement du contrôle.
T. T. Liège, div. Liège, 10 février 2023, R.G. 2023/1752
Alexandre Alves Martins
Avocat
Claeys & Engels