Trois rappels utiles en matière de clause de non-concurrence: applicabilité, double similarité et indemnité

Le travailleur est entré en service de l’employeur, la société anonyme B., en qualité de représentant de commerce, le 5 février 2007. Une clause de non-concurrence était reprise dans le contrat de travail du travailleur. Celle-ci interdisait au travailleur, pendant une période de douze mois suivant la fin du contrat de travail, d’exercer une activité commerciale identique ou similaire pour des entreprises similaires ou en tant qu’indépendant et ce dans le territoire géographique dans lequel il exerçait sa fonction de représentant de commerce au moment de la fin du contrat. En cas de violation de la clause de non-concurrence, le travailleur était redevable d’une indemnité forfaitaire de trois mois de rémunération. Il était également convenu que l’employeur se réservait le droit d’exiger une indemnité plus élevée à charge de prouver le préjudice subi.

Le 12 février 2016, le travailleur a conclu un contrat de travail d’employé avec un nouvel employeur, la société anonyme A., pour exercer la fonction de « sales engineer » au plus tard le 1er juin 2016. Le 15 février 2016, le travailleur a donc mis fin au contrat de travail avec la société anonyme B. moyennant notification d’un préavis de trois mois. Les parties ont ensuite décidé, en cours de préavis, de rompre le contrat de travail de commun accord.

Discussion

La validité de la clause de non-concurrence n’était pas contestée par le travailleur. Par contre, le travailleur soutenait que la clause de non-concurrence ne trouvait pas à s’appliquer au motif que le contrat de travail avait été rompu de commun accord par les parties. La cour du travail a rejeté cet argument, les seules hypothèses légales dans lesquelles une clause de non-concurrence conclue avec un représentant de commerce ne s’appliquent pas étant la rupture du contrat soit durant les six premiers mois, soit après cette période par l’employeur sans motif grave ou par le représentant de commerce pour motif grave. Ici, la cour constate que le contrat de travail ne dérogeait pas à cette règle en faveur du travailleur. De même, la convention de rupture de commun accord ne prévoyait pas de renonciation à la clause de non-concurrence.

Concernant la condition de « double similarité » (similarité des activités de l’ex-employeur et du nouvel employeur, ce qui en fait des entreprises concurrentes, et similarité des activités exercées par le travailleur auprès de l’ex-employeur et du nouvel employeur), la cour constate tout d’abord que les employeurs sont bien concurrents. Dans son analyse, la cour estime qu’il n’est pas nécessaire que les employeurs exercent exactement les mêmes activités. Il suffit, selon la cour, que l’activité de l’ex-employeur (la société anonyme B.) puisse également se retrouver dans l’activité du nouvel employeur (la société anonyme A.). La cour constate que tel est le cas en l’espèce dès lors que le nouvel employeur vend les pompes qui sont produites par l’ex-employeur et, tout comme l’ex-employeur, offre à ses clients des contrats d’entretien de ces pompes.

La cour constate ensuite que les activités exercées par le travailleur auprès de son nouvel employeur (sales engineer) sont bien similaires à celles qu’il exerçait chez son précédent employeur (représentant de commerce) dès lors que, dans les deux cas, il est question de fonctions qui visent à vendre des produits de l’employeur. La cour estime sans importance le fait que le travailleur ne prospecte et ne visite plus de clientèle chez son nouvel employeur, comme il le faisait chez son ex-employeur. La cour constate d’ailleurs que le travailleur visite des clients chez son nouvel employeur. Elle souligne enfin que le travailleur est actif au sein du nouvel employeur sur au moins une partie du territoire de l’ex-employeur.

La cour en conclut que la clause de non-concurrence a bien été violée, en atteste notamment le fait que le travailleur a approché personnellement deux clients de son ex-employeur en vue de la conclusion d’un contrat d’entretien de pompes diverses.

L’ex-employeur sollicitait, à titre principal, une indemnisation pour le préjudice « réellement » subi qu’il évaluait à 112.078,77 EUR. Subsidiairement, dans l’éventualité où la cour estimait que le dommage réellement subi par l’ex-employeur est inférieur à l’indemnité forfaitaire de trois mois de rémunération prévue par la clause de non-concurrence (soit 11.753,85 EUR), l’ex-employeur demandait la condamnation du travailleur à ce montant forfaitaire de trois mois de rémunération.

La cour constate qu’en l’espèce, le préjudice réellement subi par l’ex-employeur s’élevait à 2.036,25 EUR seulement, montant que le travailleur est finalement condamné à payer à l’ex-employeur. Ce dernier montant correspond à la réduction volontairement opérée par l’ex-employeur sur le montant du contrat conclu en 2017 avec l’un des clients approchés par le travailleur (comparativement au montant du contrat qui avait été fixé pour l’année 2016), pour le convaincre de rester client auprès de l’ex-employeur.

La cour estime qu’elle ne peut condamner le travailleur au montant de l’indemnité forfaitaire de trois mois de rémunération convenue dans le contrat au motif que le montant du dommage réellement subi par l’ex-employeur s’avère finalement, après analyse, inférieur à trois mois de rémunération. Autrement dit, dès l’instant où l’employeur s’emploie à démontrer le dommage qu’il a réellement subi et que la cour estime finalement que ce dommage réel est inférieur au montant forfaitaire prévu par la clause de non-concurrence, elle ne peut condamner le travailleur à ce dernier montant. En décider autrement reviendrait, selon la cour, à « spéculer » sur le montant du dommage réellement subi par l’ex-employeur.

Conclusion

En définitive, on retiendra de cet arrêt les enseignements suivants :

  • Une clause de non-concurrence est, sauf stipulation contraire, applicable en cas de rupture de commun accord ;
  • La similarité des activités des employeurs et des activités exercées par le travailleur au sein de son ancien et son nouvel employeur est appréciée de manière relativement souple par la cour ;
  • Dès l’instant où l’employeur décide d’apporter la preuve de son dommage réel, en lieu et place de réclamer l’indemnité forfaitairement prévue par la clause de non-concurrence, il prend le risque que la cour évalue son dommage réel à un montant inférieur à celui prévu forfaitairement par les parties et condamne alors le travailleur à indemniser l’ancien employeur à concurrence de ce dommage réel.

François Schapira
Claeys & Engels

Source: C.T. Gand, division Gand, 2ème chambre, 10 décembre 2018, T.G.R, 2019, p. 194.

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