Un employeur du secteur public peut être redevable d’une indemnisation en cas de violation du statut de son agent contractuel

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Boris Jeholet, Avocat, Claeys & Engels

Dans un arrêt du 4 janvier 2022, la Cour du travail de Bruxelles a accordé une indemnité complémentaire à un agent contractuel d’un CPAS qui avait été licencié et s’était plaint d’un dommage suite à la violation des règles régissant son statut au sein du CPAS.

Les faits

L’agent contractuel est entré au service du CPAS en date du 20 octobre 2015.

Le 8 décembre 2017, le CPAS a notifié une évaluation négative à l’agent, qui a introduit un recours contre cette évaluation le 19 décembre 2017.

Le 12 décembre 2017, le CPAS a invité l’agent à être entendu à propos de l’intention du CPAS de mettre fin à son contrat de travail, rupture alors justifiée par l’évaluation négative de l’agent.

Le 19 décembre 2017, l’agent a fait savoir au CPAS qu’il avait introduit un recours contre l’évaluation négative et que la convocation qu’il avait reçue concernant l’intention de licenciement du CPAS était donc prématurée.

Le CPAS a répondu à l’agent qu’il était invité à être entendu en vertu des principes généraux de droit administratif.

Après que l’agent ait été entendu le 21 décembre 2017, le CPAS a mis fin au contrat de travail de l’agent avec effet immédiat et moyennant le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis.  

Le CPAS a également fait valoir que le recours de l’agent contre l’évaluation négative était devenu sans objet du fait de la rupture du contrat de travail. 

L’agent a ensuite intenté une action en justice pour obtenir différentes indemnités.

Cette demande a été rejetée en première instance par le tribunal du travail de Leuven.

La décision de la Cour

La Cour du travail s’est posé les questions suivantes pour apprécier le bien fondé de la demande d’indemnisation au regard de l’article 1382 de l’ancien code civil :

  • Le CPAS a-t-il violé les règles du statut administratif de l’agent ? La violation est-elle constitutive d’une faute ?
  • Le dommage subi par l’agent a-t-il été causé par cette faute ?
  • S’agit-il d’un autre dommage que celui qui est compensé par l’indemnité compensatoire de préavis ?
  •  

Quant à l’existence d’une faute

Le statut de l’agent contractuel prévoit que le CPAS ne peut envisager de licencier un membre du personnel avant que l’autorité compétente n’ait statué sur le recours contre une évaluation négative.

La Cour estime dans cet arrêt que le CPAS a méconnu les règles du statut légal de l’agent contractuel en le licenciant avant qu’il soit statué sur son recours.

Selon la Cour, l’absence de respect de cette norme est constitutive d’une faute.

Quant au dommage

Selon la Cour, il existe dans le chef de l’agent contractuel un préjudice qui n’a pas été causé par le licenciement lui-même, mais plutôt par des circonstances liées au licenciement et, plus particulièrement, le fait que le licenciement est intervenu sans respecter les dispositions contraignantes du statut de l’agent et l’effet suspensif du recours introduit contre une évaluation négative.

D’après la Cour, un préjudice moral peut être occasionné lorsqu’une personne est déçue dans ses attentes légitimes à l’égard des pouvoirs publics, y compris lorsqu’il s’agit de son employeur.

En licenciant l’agent en dehors des règles applicables au sein du CPAS sans attendre l’issue de son recours, le CPAS lui a causé un dommage moral.

La Cour estime que ce dommage moral doit être évalué ex aequo bono à 5000 EUR et s’écarte en ce sens de la demande de l’agent d’obtenir une indemnité correspondant à 6 mois de rémunération.

La Cour déclare également fondée la demande de l’agent tendant au paiement d’une indemnisation de 1.559,40 EUR pour couvrir les frais et honoraires qu’il a encourus dans le cadre de la phase préalable au licenciement jusqu’à la phase du recours administratif (avant la procédure judiciaire donc).

Par contre, la Cour juge non fondée la demande tendant au paiement du salaire que l’agent aurait pu percevoir si le CPAS avait attendu la fin de la procédure de recours avant de prendre une décision (soit le salaire d’une durée prévisible d’un mois). La Cour estime en effet que dès lors qu’il n’a pas travaillé, l’agent n’a pas droit à son salaire pour cette période.

Quant au lien causal entre la faute et le dommage

La Cour considère enfin que le dommage reconnu subi par l’agent est la conséquence de la faute du CPAS et, plus particulièrement, le fait de ne pas avoir respecté les règles applicables aux CPAS.  

Intérêt de la décision

L’intérêt de cette décision est de rappeler aux autorités publiques que l’autorité doit respecter ses propres règles (« Patere legem quam ipse fecisti ») et que le non-respect des règles qu’elles édictent concernant le statut de leur personnel peuvent entrainer des sanctions. 

Il est donc conseillé de suivre les règles et procédures applicables à l’ensemble du personnel occupé au sein d’une autorité, sous peine de risquer d’être redevable d’indemnités complémentaires au moment du licenciement.

Cour du travail de Bruxelles, 4 janvier 2022, R.G. 2020/AB/686

Boris Jeholet
Avocat
Claeys & Engels

Talent development advisor

Partenamut

Gestionnaire de projets HR Analytics

Actris

Responsable Talent Acquisition et Recrutement H/F

Cliniques universitaires Saint-Luc

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