Entre février 1997 et février 2017, la société en question a engagé un travailleur en qualité de monteur-caméraman pour réaliser, ci et là, diverses missions, dans le but de venir temporairement en support au département audiovisuel de l’entreprise. Dans ce cadre, plusieurs CDD, portant chaque fois sur une durée limitée à quelques jours, ont été conclus entre les deux parties pendant 20 ans. Etant donné le caractère variable et sporadique des projets, il n’était pas rare que ces CDD soient régulièrement interrompus par des périodes allant de plusieurs jours à plusieurs mois. En moyenne, le travailleur était occupé à raison d’environ 90 jours par an au sein de la société.
La question qui s’est posée devant le Tribunal était de déterminer si les parties avaient en réalité eu l’intention de conclure un seul contrat de travail à durée indéterminée ou non. Après analyse de la situation, le Tribunal jugea qu’il n’y avait pas lieu de parler de « succession » de contrats de travail dans la mesure où les différents contrats de travail signés par les parties avaient été séparés par de longues et fréquentes périodes d’interruptions, empêchant ainsi de les considérer comme des contrats successifs.
En outre, le travailleur ne pouvait nier qu’il avait été, dès le début de la relation, averti et conscient du caractère temporaire et ponctuel de ses prestations. Il lui arrivait d’ailleurs de travailler, dans l’intervalle, pour le compte d’autres employeurs. Par conséquent, le Tribunal estima qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer au cas d’espèce les règles relatives aux contrats de travail conclus pour une durée indéterminée, et refusa, par-là, de faire droit à la demande d’indemnité compensatoire de préavis du travailleur.
CDD non signé : attention à la requalification !
Néanmoins, dans son jugement, le Tribunal remarqua qu’à la suite de tous ces CDD, quatre jours de prestations avaient été accomplis, sans qu’aucun contrat de travail écrit n’ait été dûment signé entre les parties. Ainsi, pour les 9, 15, 21 et 23 février 2017, le Tribunal considéra que les prestations de travail effectuées ces jours-là devaient, en tout état de cause, être requalifiées en CDI, à défaut d’avoir fait l’objet d’un contrat écrit, ouvrant ainsi le droit, pour ce travailleur, à une indemnité compensatoire de préavis correspondant à une ancienneté de moins de trois mois.
Un licenciement manifestement déraisonnable ?
Enfin, le Tribunal a jugé que la demande tendant à obtenir une indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable était non fondée puisqu’à la suite de la dernière prestation du travailleur, la société a externalisé le service, décision qui relève de la gestion de l’entreprise et qui est fondée sur les nécessités du fonctionnement de cette dernière, de l’établissement ou du service et qui pouvait dès lors être prise par un employeur normal et raisonnable.
Victoria Pollet
Claeys & Engels
Source : T. T. francophone de Bruxelles (2ème ch.), jugement du 4 février 2020 (R.G. n°18/346/A)